Huit mesures pour sécuriser l’avenir de l’approvisionnement en électricité de la Suisse


Le désir de la Suisse de conclusion d’un accord sur l’électricité avec l’UE se heurte à des résistances. Une absence d’accord pourrait conduire à des difficultés d’approvisionnement dès 2025. De manière générale, l’approvisionnement en électricité européen va connaître des temps difficiles avec la sortie concomitante du nucléaire et de la production d’électricité à partir du charbon. Face à cet enjeu, swisscleantech propose non pas une stratégie unique mais un catalogue de mesures. Ce catalogue couvre huit orientations qui se complètent réciproquement et viennent à l’appui les unes des autres : ceci permettrait d’abaisser les coûts et d’avoir plus de chances de sécuriser l’approvisionnement en électricité de la Suisse dans le futur.

Fotografie: Ricardo Gomez Angel

1.

Augmenter l’efficacité électrique

Si l’on veut améliorer la situation en matière d’approvisionnement en électricité, il faut d’abord favoriser l’efficacité énergétique – c’est sans conteste la mesure la plus efficace. L’approvisionnement étant particulièrement critique en hiver, il est nécessaire en premier lieu  de remplacer le plus rapidement possible les chauffages à résistance électrique par des chauffages renouvelables.

2.

Accélérer le développement des énergies renouvelables

Toutes les technologies énergétiques non renouvelables sont dépendantes de l’étranger et liées à des risques environnementaux considérables. Une diversification de l’approvisionnement en énergie est nécessaire, elle doit mettre l’accent sur les énergies renouvelables et permettre à celles-ci de se compléter avec flexibilité. Il s’agit d’un enjeu majeur pendant la période transitoire durant laquelle l’offre d’énergies renouvelables sera encore limitée. C’est précisément pour cette raison que l’on doit dès maintenant renforcer la place des énergies renouvelables. C’est le seul moyen de sécuriser l’approvisionnement énergétique de la Suisse à long terme.

Des mécanismes d’encouragement efficaces privilégiant l’approvisionnement en électricité d’hiver et avec des procédures d’autorisation accélérées sont indispensables pour disposer d’un approvisionnement en électricité fiable et climat compatible. Cela s’applique notamment à l’éolien ainsi qu’aux projets hydrauliques à fort potentiel.

3.

Maintenir les centrales nucléaires de Gösgen et de Leibstadt en fonctionnement tant qu’elles sont sûres

Les centrales nucléaires de Gösgen et de Leibstadt disposent d’une double enceinte de confinement et par conséquent du système passif le plus important pour une exploitation sûre à long terme. Si des mesures visant à accroître la sécurité s’imposaient, les exploitants devraient avoir l’obligation de les mettre en œuvre. Une aide financière de l’État pourrait être proposée sous forme d’une assurance pour les investissements échoués. Il faudrait alors instaurer une prime adaptée. Une telle assurance couvrirait les coûts résiduels générés par la mise hors service d’une installation pour des raisons de sécurité avant la fin de sa durée prévue d’amortissement.

4.

Mettre en place un système de back-up parallèle – une solution : le couplage chaleur-force décentralisé

On prévoit que les centrales nucléaires devront être mises hors service avant la fin des années 40. swisscleantech estime que d’ici là, l’offre d’énergies renouvelables sera importante mais toutefois encore insuffisante pour combler cette baisse de production. Une solution de secours doit être étudiée de plus près : la construction d’installations de couplage chaleur-force. Powerloop a publié récemment des réflexions à ce sujet. swisscleantech a également accordé une grande importance à cette technologie dans sa Stratégie énergétique de 2014. Le couplage chaleur-force produit de l’électricité ainsi que de la chaleur résiduelle qui peut être utilisée pour le chauffage. Des installations de ce type devraient donc être implantées à proximité des réseaux de chauffage à distance. L’avenir dira si des centrales au gaz seront encore nécessaires. Une chose est sûre : les résistances face à des installations de couplage chaleur-force seraient bien moindres que face à des centrales purement au gaz.

Pour protéger le climat, les émissions de CO2 de ces installations devront être compensées ou soumises à une taxe sur le CO2. Cela augmentera le prix et fera en sorte que ces installations ne seront véritablement en service que lorsqu’il ne sera pas possible de produire de l’électricité par une autre source. Compte tenu de leur durée réduite de fonctionnement, le coût du capital de ces installations devra être supporté via un mécanisme séparé.

Parallèlement, il faudra s’assurer qu’un maximum de biogaz, et plus tard de gaz de synthèse, soit disponible pour ces installations – ce qui permettra de réduire les émissions de CO2. Les usines de production de biogaz devront donc pouvoir alimenter ce réseau gazier. Des échanges transfrontaliers de certificats pour le gaz renouvelable devront également être mis en place.

Comme nous ne savons pas combien de temps les centrales nucléaires pourront continuer d’être exploitées avec une sécurité suffisante, une partie de ces infrastructures devraient être réalisées rapidement. Il conviendrait également d’intégrer dans le système les groupes électrogènes de secours déjà existants.

5.

Mettre en place des capacités de réserve

Les capacités de réserve dans des centrales à accumulation proposées par le gouvernement fédéral sont un élément essentiel, pertinent, de la solution. Le maintien des lacs d’accumulation à un niveau donné serait ainsi garanti afin d’assurer un approvisionnement de réserve.

6.

Créer des capacités de demand side management – consommation en fonction de l’offre

La volatilité des prix de l’électricité va augmenter significativement. La gestion de la demande d’électricité au moyen d’un demand side management actif et par des offres d’électricité avec des options de coupure de l’alimentation joueront un rôle important. Dans le demand side management, les consommateurs gèrent leur offre en fonction du prix ; avec une option de coupure de l’alimentation, les clients renoncent à une fourniture d’électricité assurée en permanence et bénéficient en contrepartie de prix plus intéressants. Le potentiel pouvant être exploité grâce à ce type d’offres est bien plus important que ce que l’on pensait jusqu’à présent, une étude de l’Office fédéral de l’énergie le confirme.

7.

Développer le stockage de l’électricité

Les installations solaires et les éoliennes produisent de l’électricité bon marché, mais pas toujours quand on en a besoin. Cela ne changera pas de sitôt. Les phases d’excédent alterneront rapidement avec les phases de pénurie. Le stockage de l’électricité jouera donc un rôle important dans le système électrique de demain. Les installations de stockage à court terme, qui fonctionnent au jour le jour, sont particulièrement importantes. Pour que celles-ci soient construites, elles doivent bénéficier de bonnes conditions-cadres. Les installations de stockage qui sont exploitées de manière utile pour le réseau doivent être exemptées de la redevance de réseaux.

8.

Rester ouvert vis-à-vis des technologies

Comme pour toute technologie, les décisions sur les technologies à utiliser pour la fourniture d’énergie doivent se référer à des critères clairement définis, loin de toute idéologie. swisscleantech a donc établi huit critères positifs applicables aux technologies énergétiques. Ils permettent également de prendre des décisions rationnelles concernant les futures générations de centrales nucléaires. Nous noterons cependant que les données techniques disponibles actuellement concernant ces installations ne permettent pas encore une analyse définitive. Il est probable que ces installations arriveront trop tard pour être intégrées dans une solution à moyen terme. Ceux qui défendent les centrales nucléaires de la génération actuelle optent pour une mauvaise solution.

 

Enfin, la Suisse fait partie du système européen global. L’UE n’a pas non plus intérêt à ce qu’il y ait un black-out en Suisse. Nous devons donc faire en sorte qu’émerge au moins un consensus technique sur l’utilisation des capacités de production.