Qu’apporte la nouvelle loi sur le CO2?


Elle n’est pas encore adoptée qu’elle est déjà controversée comme s’il devait y avoir une votation.La loi sur le CO2échauffe les esprits. Il est question du «coût pour les Büezer» et de «renforcement des subventions». Qu’apporte véritablement la loi? Une analyse.

La loi sur le CO2définit l’orientation de la politique climatique suisse. C’est le principal instrument du pays pour mettre en œuvre une protection efficace du climat. Cette loi fait actuellement l’objet d’une révision totale car les bases légales existantes viennent à échéance fin 2020. La nouvelle loi sur le CO2fait évoluer les instruments existants et comble quelques lacunes de la loi actuelle.

Les principales mesures, avec une brève analyse

Objectifs pour les parcs de véhicules neufs: Les importateurs de véhicules seront tenus de vendre des véhicules progressivement de plus en plus efficaces. En 2030, les véhicules devront consommer en moyenne au maximum deux fois moins d’essence et de diesel aux 100 km comparé à 2019. Des réglementations similaires s’appliqueront aux voitures de livraison et aux poids lourds.

  • AnalyseEn plus de la baisse des émissions, l’amélioration des technologies automobiles permettra de diviser par deux les coûts d’utilisation. On estime que les véhicules électriques seront bientôt moins chers que les moteurs à combustion, non seulement en termes d’utilisation et d’entretien mais aussi à l’achat. Ces économies seront nettement supérieures à la légère majoration prévue des carburants (voir ci-dessous).

Compensation du CO2applicable aux importateurs de carburant: Les émissions de CO2provenant de la consommation résiduelle de diesel et d’essence devront être compensées jusqu’à 90% par des projets de protection du climat en Suisse et à l’étranger. Aujourd’hui, les importateurs de carburant sont autorisés à couvrir les coûts induits par la compensation par une majoration de 5 ct/l maximum sur l’essence et le diesel. A l’avenir, ce plafond passera à 10-12 ct/l.

  • AnalyseCes ressources financeront des projets de protection du climat qui bénéficieront à leur tour aux entreprises et à l’agriculture. Pour les utilisateur.trices, la division par deux des coûts de carburant grâce à des véhicules (électriques) plus efficaces sera plus importante que l’augmentation prévue des prix des carburants.

Taxe sur les billets d’avion: Dans le transport aérien, le kérosène est exonéré de taxe. Cela doit changer et être compensé notamment par une taxe sur les billets d’avion pour les transports aériens publics (30 à 120 CHF/billet d’avion depuis les aéroports suisses) et une taxe sur les vols privés (gros avions). Jusqu’à la moitié de ces taxes seront versées au nouveau fonds pour le climat (voir ci-dessous). Le reste sera reversé à la population et aux entreprises.

  • AnalyseLa taxe sur les billets d’avion servira de taxe incitative. Elle devra surtout rendre plus compétitives des alternatives de transport plus respectueuses du climat. Au moins la moitié de ces taxes sera redistribuée par tête, ce qui profitera à ceux qui prennent moins l’avion.

Taxe incitative sur le CO2perçue sur les combustibles: Le plafond de la taxe actuelle sur le CO2perçue sur le mazout, le gaz et le charbon doit être relevé de 120 CHF/t de CO2à 210 CHF/t maximum. La taxe augmentera uniquement si la Suisse n’atteint pas ses objectifs intermédiaires pour la réduction de CO2. Désormais, toutes les entreprises, y compris les petites entreprises, pourront se faire exonérer de la taxe si elles montrent qu’elles ont déjà mis en œuvre des mesures économiques visant à protéger le climat. Comme à l’heure actuelle, au moins deux tiers du produit de la taxe sur le CO2doivent être redistribués à la population et aux entreprises sous forme de réduction sur les primes d’assurance-maladie et les cotisations AVS des employeurs.

  • Analyse: Une augmentation de la taxe incitative signifie que les coûts des conséquences climatiques seront payés davantage suivant le principe de causalité: les ménages qui occupent une surface d’habitation particulièrement grande, chauffée au pétrole ou au gaz, paieront plus. Les alternatives plus respectueuses du climat seront plus attractives: avec l’augmentation de la taxe, les propriétaires et les entreprises auront plus intérêt à investir dans la protection du climat. Remplacer un chauffage par le chauffage à distance, une pompe à chaleur, le bois ou le solaire permet certes de ne pas être assujetti à la taxe sur le CO2, mais le passage au nouveau système de chauffage représente souvent un coût élevé. Un tiers du produit de la taxe sur le CO2doit donc continuer d’être versé au programme d’assainissement des bâtiments et aider les propriétaires qui réalisent des améliorations énergétiques dans leurs bâtiments.

Normes d’émissions pour les bâtiments: À partir de 2023 (et dans les cantons avec une période transitoire, à partir de 2026), il est prévu l’application d’une valeur limite d’émissions limitant les émissions à 20 kg de CO2par m² de surface d’habitation chauffée. Celle-ci s’appliquera lors d’un remplacement de chauffage. Les chauffages au mazout ou au gaz naturel ne pourront alors plus être installés que dans des bâtiments très efficaces. Des programmes d’aide et de leasing doivent apporter une aide aux propriétaires devant faire face à des coûts d’acquisition ou de changement de système souvent élevés.

  • AnalyseDe plus de plus de ménages profiteront de ce fait de chauffages climat compatibles. Ils sont souvent bien moins chers à l’utilisation et signifieront donc un allègement de charges pour les locataires. En passant rapidement à des systèmes de chauffage respectueux du climat, on évitera une hausse des prix du CO2.

Fonds pour le climat: Un «fonds pour le climat» doit être constitué, alimenté principalement par l’affectation obligatoire partielle de la taxe sur le CO2perçue sur les combustibles ainsi que la moitié du produit de la taxe sur les billets d’avion.

Produit de la taxe sur le CO2perçue sur les combustibles: comme à l’heure actuelle, au maximum 33% ou 450 millions de CHF par an de la taxe sur le CO2doivent soutenir le programme d’assainissement des bâtiments des cantons. Une disposition nouvelle: ces fonds doivent aussi permettre d’autres programmes, notamment dans le domaine de l’approvisionnement en chaleur.

Produit de la taxe sur les billets d’avion: la moitié du produit de la taxe doit encourager le développement et une large application de nouvelles approches et technologies. Les émissions de gaz à effet de serre générées à l’étranger par la consommation suisse sont aujourd’hui supérieures aux émissions en Suisse. Cette part du fonds pour le climat doit donc contribuer à une réduction du même ordre de grandeur. Concrètement, une aide financière doit être apportée à la réduction du CO2dans la chaîne de création de valeur des entreprises suisses ou dans l’application de technologies suisses à l’étranger. Si des entreprises développent de nouvelles solutions pour la protection du climat, elles disposeront à l’avenir des cautionnements qui existent actuellement pour les petits projets technologiques mais également d’instruments de soutien supplémentaires. Cela permettra de couvrir les risques plus importants ou de surmonter le difficile passage du prototype à l’industrialisation. Les ressources doivent aussi contribuer à baisser significativement l’effet du transport aérien sur le climat.

Mesures d’adaptation: Le fonds pour le climat doit aussi financer des mesures d’adaptation pour réduire les conséquences inévitables du changement climatique. L’agriculture et l’économie forestière, les fragiles régions alpines et de plus en plus nos infrastructures seront particulièrement touchées et auront parfois besoin de mesures de protection coûteuses. Celles-ci seront financées par le produit des mises aux enchères du système d’échange de quotas, les prestations de remplacement des importateurs de véhicules et les amendes et non plus comme aujourd’hui par les recettes fiscales générales.

Place financière: L’autorité de surveillance des marchés financiers et la Banque nationale suisse devront mentionner explicitement les risques climatiques.

  • AnalyseUne première base est créée pour réduire la forte empreinte climatique au niveau mondial de la place financière suisse, une étape importante qui va dans le sens des objectifs de Paris pour le climat.

Conclusion 

En résumé, on note que les effets de la loi sur le CO2seront très majoritairement positifs. On ne peut guère parler de «coûts élevés» ni de «subventions excessives». L’ensemble de l’économie profitera d’une loi sur le CO2moderne et efficace: de nouveaux marchés seront créés et des investissements supplémentaires aideront à accroître l’efficacité énergétique et climatique dans différents secteurs. Le fonds pour le climat qui est proposé est pertinent si l’on veut atteindre les objectifs de Paris pour le climat: les taxes seront prélevées essentiellement suivant le principe de causalité et les ressources utilisées de manière ciblée. La majeure partie des taxes incitatives prévues dans la loi sera redistribuée, et ces taxes sont socialement acceptables (voir étude Infras).