Paquet climat « Fit for 55 » : l’UE va de l’avant dans le système d’échange de quotas d’émission et avec le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières 


Le 18 décembre, l’UE s’est mise d’accord pour renforcer la protection du climat dans le cadre de son programme « Ajustement à l’objectif 55 ». Les décisions actuelles se concentrent principalement sur le renforcement du système d’échange de quotas d’émission.

Fotografie: Christian Zeyer

Trois points sont particulièrement importants :

1. Création d’un nouveau système d’échange de quotas d’émission pour le chauffage des bâtiments et pour le transport routier d’ici 2027

Jusqu’à présent, aucun prix du CO2 n’était appliqué dans ces secteurs dans l’UE. Les coûts que ce nouveau système d’échange de quotas génèrera pour la population doivent être atténués par un fonds social pour le climat. Au total, 85 milliards d’euros devraient ainsi être disponibles entre 2026 et 2032, qui devront être utilisés principalement pour aider les ménages à faibles revenus à mettre en œuvre des mesures d’efficacité énergétique. L’UE se met ainsi au même niveau que la Suisse concernant la tarification des combustibles, et elle prend de l’avance par rapport à la Suisse dans le secteur des transports – actuellement, aucun effort n’est prévu en Suisse en matière d’incitation sur les carburants.

2. Nouveaux principes pour l’échange de quotas d’émission

D’une part, la quantité de certificats disponibles doit être réduite plus rapidement. D’autre part, le mode actuel d’allocation sera modifié : jusqu’à présent, les entreprises recevaient gratuitement la majeure partie de leurs certificats d’émission. Désormais, l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit, dont bénéficient les secteurs industriels particulièrement consommateurs d’énergie, les secteurs du fer, de l’acier, de l’aluminium, du ciment, des engrais et de l’hydrogène, sera progressivement supprimée. Cela provoquera un renchérissement de ces produits sur le marché.

3. Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF)

Pour garantir que ces secteurs industriels demeurent compétitifs au sein de l’UE, un nouvel instrument est créé en parallèle, le « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » : si, par exemple, de l’acier ou de l’aluminium est importé d’un pays dont la législation sur le climat est moins stricte que celle de l’UE, ce produit sera soumis à une taxe aux frontières, ce qui augmentera son prix.

Du point de vue de la politique climatique, ces mesures sont très satisfaisantes. Le fait que les secteurs des « transports » et du « chauffage des bâtiments » doivent désormais également être intégrés dans un système de pilotage des prix est important car ces deux secteurs représentent à eux seuls 35 % du total des émissions. La fin de l’allocation de quotas d’émission à titre gratuit pour les secteurs à forte consommation d’énergie peut contribuer à donner la priorité à des alternatives moins dommageables pour le climat et à de meilleurs process.

Avec la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, l’UE s’engage sur une voie inconnue mais intéressante : ce type de taxation aux frontières pourrait contribuer à rendre la politique climatique plus compatible avec l’activité économique. On ne doit cependant pas ignorer que le développement de ce nouvel outil visant à la protection du climat est lié à quelques défis : d’une part, il faut réussir à concevoir un instrument qui soit compatible avec les règles du commerce mondial. D’autre part, il faut s’assurer que ce type de taxation aux frontières ne portera pas atteinte aux exportations de l’industrie européenne de transformation. Les produits réexportés contenant, comme dans l’exemple ci-dessus, de l’acier ou de l’aluminium, devraient en effet à nouveau être détaxés lors de l’exportation. Sinon, par rapport au marché, les coûts des transformateurs de matières premières seraient comparativement plus élevés. Les associations économiques estiment donc que la mise en œuvre de ce dispositif devra être suivie de près.

Dans l’économie suisse, ces modifications toucheront principalement les gros émetteurs qui sont affiliés au système européen d’échange de quotas d’émission. Les règles appliquées dans l’UE s’appliqueront donc aussi aux producteurs suisses dans les branches à fortes émissions. Cela augmenterait de la même façon le prix de leurs produits, mais dans le même temps l’UE n’appliquerait pas le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières à leurs importations. D’un côté, les nouvelles règles du système d’échange de quotas d’émission s’appliqueraient automatiquement aux produits, mais de l’autre la Suisse pourrait décider librement si elle souhaite aussi mettre en place le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières. Si la Suisse n’appliquait pas ce mécanisme, le ciment suisse serait par exemple comparativement désavantagé par rapport au ciment provenant de pays de l’UE. Il faut donc s’attendre à ce que la Suisse suive également le mouvement concernant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières.

Ce ne sont là que quelques-unes des questions qui se poseraient en cas de mise en œuvre de ce dispositif. swisscleantech apporte cependant son soutien à cette évolution et la suivra de près.